La société valaisanne Calyps propose une technologie de gestion des flux. En pleine pandémie, la méthode pourrait s’avérer un outil précieux pour mieux anticiper les affluences dans les hôpitaux.
“Les informations sont disséminées dans notre environnement, souvent à notre insu. Notre métier, c’est de valoriser ces données”, explique Tony Germini, le CEO de Calyps. Et d’ajouter: “Notre but est que les décideurs aient accès à la bonne donnée au bon moment. Pour cela, il faut fournir des indicateurs utiles et fiables, qui permettent d’agir, de changer de trajectoire, de mettre en place une stratégie.”
Calyps est depuis le départ spécialisée dans l’informatique décisionnelle. A partir de l’analyse d’une situation passée, l’entreprise fournit un tableau de bord avec des indicateurs pour dresser un constat. Cela permet d’évaluer les performances après-coup.
Quelques années mouvementées
Fondée en 2001, Calyps a connu presque une décennie de succès avant d’être prise dans les remous de la crise des subprimes. Jusque-là, les quelques 40 employés de l’entreprise faisaient essentiellement du consulting. L’éclatement de la bulle financière a eu pour effet d’amoindrir le portefeuille clients. A cela s’est ajoutée l’entrée en 2010 de la Suisse dans le marché de Schengen. En quelques années, de nombreuses sociétés françaises sont arrivées avec des prix défiant toute concurrence. Enfin, la concentration des solutions techniques par les grands acteurs informatiques a achevé de saturer le marché. Microsoft en tête, ils se sont tous mis à proposer à leurs clients des solutions pour analyser leurs données.
“En l’espace de 3 à 5 ans, le marché s’est transformé et nous avons dû réduire la taille de Calyps de moitié. En 2015, le constat était simple: chaque jour qui passait, nous devenions plus expérimentés et aguerris sur les technologies mais de moins en moins compétitifs. Donc, on s’est dit qu’il fallait trouver autre chose que simplement fournir du conseil”, relate Tony Germini.
Un produit pour aider à gérer les hôpitaux
Une bonne opportunité apparaît dans le domaine de la santé avec l’entrée en vigueur dès 2012 du SwissDRG. Ce système, conçu pour unifier les prix des hospitalisations en Suisse selon une grille tarifaire par diagnostic, force les hôpitaux à justifier les actes de soins. Sa mise en place représentait un grand défi.
En collaboration avec la société CimArk et la fondation The Ark, Calyps lance en 2015 une étude auprès des hôpitaux romands pour connaître leurs besoins en indicateurs de performance. Suite à cela, ils développent un produit compilant trois sources de données: les logiciels ERP (facturation, stocks, salaires, etc.), les statistiques des patients et les informations de planification (ressources humaines et horaires). Cette première solution offre une vision à 360° aux décideurs, mais il s’agit encore d’un modèle d’analyse descriptive classique.
La météo pour les services d’urgences
En 2018, Calyps lance avec la HEIG-VD un autre projet auprès d’Innosuisse. L’objectif: fournir un modèle pour optimiser la gestion des flux aux urgences. D’un point de vue mathématique, la trajectoire d’un patient s’apparente à un flux: il est admis à un moment T, reçoit tels et tels examens/traitements pour un diagnostic donné, est soigné par X personnes et passe n jours de convalescence.
Avec les progrès de l’intelligence artificielle (le machine learning et le deep reinforcement learning en particulier), Calyps a mis au point une solution prédictive et évolutive. Le système permet d’anticiper, sur 5 jours, le flux de nouveaux patients aux urgences. Grâce au croisement de toutes les données existantes, les algorithmes peuvent prédire combien de patients vont arriver, les pics d’affluence, le nombre d’urgences pédiatriques, de personnes âgées, et en fonction de cela le nombre de lits à bloquer. “Le système pilote est déjà testé par l’hôpital français de Valenciennes depuis 2019 et le taux de fiabilité atteint 90%”, affirme Tony Germini. L’algorithme réévalue ses pronostics chaque heure, un peu comme un service météo.
Il est certain que la crise du covid-19 va accélérer l’intérêt pour ce logiciel. L’entreprise valaisanne planche actuellement sur un outil de coordination des actions sanitaires sur territoire suisse. La qualité des données est essentielle pour que le système soit suffisamment précis. Les dernières prévisions sont à suivre sur le site de l’entreprise.
Pour en savoir plus… www.calyps.ch
par Arnaud Gariépy
L’avis de l’entrepreneur
“Dès 2013, nous avons été suivis par Jérôme Salamin pour les phases I et II du coaching Affaires. Ensemble, nous avons lancé notre étude et planché sur un nouveau business modèle. A ce moment-là, nous avons décidé que Calyps devait se transformer: passer d’une société qui faisait du consulting à une société qui crée des solutions. En 2016, avec le coach Daniel Rüfle, nous avons entamé une 3ème phase dans laquelle nous avons tout passé en revue: nos marchés, nos attentes, nos produits, nos partenaires, etc. Cette réflexion a permis de valider le repositionnement et les axes de R&D. Daniel a une grande expérience de terrain et comprend parfaitement le monde entrepreneurial. Il a été très ouvert par rapport à nos idées et questionnements. Il nous a dirigé vers les bons partenaires, c’était vraiment un grand soutien. Franchement, nous avons eu de la chance et avons vraiment bien été épaulés dans les différents coaching suivis.
Le secteur de la santé est un premier domaine d’application. A terme, nous aimerions fournir des solutions analytiques prédictives pour la gestion des flux, que ce soient des marchandises, des risques financiers ou des humains”, précise Tony Germini.
L’apport de platinn
Daniel Rüfle, coach Affaires, évoque avec plaisir le travail mené avec Calyps. “Pour l’optimisation des flux en milieu hospitalier, le défi majeur était non pas de penser le tableau de bord mais de lier les bonnes informations entre elles. Aujourd’hui, le produit, c’est la méthode Calyps, c’est-à-dire le modèle de données à rassembler.
Tony Germini est quelqu’un qui travaille beaucoup. Des fois, je me demande s’il a plus d’heures dans la journée que les autres (rires). Même si Calyps est une PME, Tony et son team cultivent l’esprit d’innovation d’une start-up. C’est beau de voir leur parcours, ils ont du mérite. Il faut dire que le marché est compliqué à atteindre à la base. Ce type de solution, bien qu’extrêmement bénéfique, demande un grand engagement de l’utilisateur final au moment de l’implémentation. De plus, l’utilisation des données est une question sensible. Cela rend les ventes très complexes. Avec le CHU de Valenciennes, ils disposent désormais d’une belle vitrine. L’actualité covid-19, bien involontairement, leur apportera peut-être aussi de la visibilité. J’espère que ça leur permettra de trouver des clients rapidement en Suisse ou à l’étranger.”