Au départ, la start-up Breez planchait sur un masque anti-pollution pour la Chine. La crise du coronavirus a changé la donne. Récit d’une jeune entreprise dont le nouveau produit tombe à pic.
“Breez”, ou respirer en anglais, c’est le nom trouvé par Gaëlle Rey-Bellet, Carmen Grange et Margot Reymond avec leur associée chinoise Hao Xu pour désigner leur start-up.
Tout débute en 2018 dans le cadre d’un master Innokick à la HES-SO. Gaëlle et Carmen se rendent en Chine pour participer à un concours. Organisé en partenariat avec une haute école d’Hong-Kong et une autre de Shanghai, les étudiant-e-s vivent une semaine intensive en lien avec la thématique “vivre sainement en Chine”.
Avec leur équipe, Gaëlle et Carmen présentent un concept de masque anti-pollution avec filtration et couvertures interchangeables. “Sur place, nous nous sommes aperçues que la mode joue un rôle très important. Le masque, c’est un accessoire qui permet d’exprimer son caractère ou son humeur”, explique Gaëlle Rey-Bellet. Le projet se classe second et certains professeurs encouragent l’équipe à poursuivre sur sa lancée.
Un masque anti-pollution, accessoire de mode pour l’Asie
De retour en Suisse, le groupe d’étudiants se réduit. Outre Hao Xu côté chinois, ne restent plus que Gaëlle Rey-Bellet et Carmen Grange. Les deux Suissesses mènent quelques prospections. Les retours sont bons, le produit semble prometteur et elles décident d’en faire leur travail de master.
En décembre 2018, elles décrochent le programme First Ventures, destiné aux étudiant-e-s entrepreneur-s-ses des Hautes écoles spécialisées (HES) par la fondation Gebert Rüf. Ces 150’000 francs obtenus permettent à Gaëlle et Carmen de se verser un petit salaire en Suisse et d’engager Margot Reymond, une designeuse industrielle et de produits formée à l’ECAL. C’est elle qui dessine le prototype. Baptisé FULLY, un clin d’œil aux origines valaisannes, sa conception prend plus de temps que prévu. Il faut résoudre certains défis techniques, notamment développer des filtres performants pour les gaz d’échappements. Au final, le masque se veut fashion, réutilisable et pratique.
Les effets du coronavirus
“Ce produit était conçu pour Shanghai vu que nous avions déjà notre collègue là-bas. Ensuite, nous voulions passer par Pékin, puis nous étendre petit à petit à l’Asie, voire même aux autres grandes villes où la pollution de l’air est un problème majeur”, raconte Gaëlle Rey-Bellet.
Mais fin 2019, quand Hao Xu rentre en Chine après un séjour de trois mois en Suisse, elle avertit ses partenaires qu’un virus se répand. Gaëlle Rey-Bellet se souvient: “Vu d’ici, nous pensions que c’était bénin, mais progressivement, les entreprises chinoises ont commencé à devoir produire des masques sanitaires. Et notre prototype s’est retrouvé tout en bas de leurs priorités. Au fur et à mesure que le virus s’est répandu, l’impact a été le même sur nos partenaires européens et début 2020, nous étions bloquées.”
LENNY, un masque barrière made in Switzerland
Dès février, elles décident de mettre à profit leurs compétences pour réaliser un autre masque, mais cette fois contre le fameux virus. Produit et conçu en trois à quatre mois, LENNY est né dans l’urgence. “Il fallait conjuguer rapidité, qualité et efficacité, donc nous sommes parties sur une taille unique”, explique Gaëlle. Et de préciser: “C’est le tissu lui-même qui fait office de filtre. Le virus est bloqué en surface et neutralisé par un principe actif contenu dans le tissu. Cela fonctionne un peu comme un k-way. Le masque peut être porté autant de fois que l’on veut, mais ses propriétés anti-microbiennes et anti-déperlantes sont garanties pour 30 lavages à 40°C. Ensuite, cela devient un simple masque en tissu.”
Cette technologie a été développée par un partenaire suisse. LENNY est disponible en vente en ligne depuis début juin. Il se décline pour l’instant en deux variantes: en bleu-clair et noir, avec trois couches, et une version plus légère, en deux couches, en blanc. Il s’attache derrière la tête ou la nuque pour éviter les frottements derrières les oreilles. “On voit que les ventes diminuent par rapport au début, mais sur un premier lot de 1’000 pièces, nous en avons déjà écoulé environ la moitié et les retours sont excellents”, se réjouit Gaëlle Rey-Bellet.
Certaines écoles leur ont déjà fait part de leur intérêt pour acquérir plusieurs centaines de pièces. Désormais, les quatre entrepreneuses sont en phase de réflexion: entre la création d’une sàrl, la relance d’un lot de masques, repenser certaines finitions ou proposer des tailles différentes, les questions ne manquent pas.
Elles ont également envie de terminer leur projet de masque anti-pollution. Une collaboration avec un étudiant en plasturgie de la HES de Fribourg a permis d’améliorer l’étanchéité, et une société chinoise spécialisée assure la production de filtres dépolluants efficaces. Avec la pollution qui augmente et le covid qui n’est pas prêt de disparaître de suite, Breez a du pain sur la planche.
Pour en savoir plus… www.breez.ch
par Arnaud Gariépy
L’avis de l’entrepreneuse
“Le coaching platinn s’est amorcé naturellement après notre master, puisque Patrick Albert enseigne dans ce cadre-là. Il nous suit donc depuis le début et nous a conseillé de faire appel à ce service. Quand vous avez le nez dans le guidon, c’est précieux d’avoir quelqu’un qui connaît le projet et apporte une expertise avec bienveillance. Il nous a fait profiter de ses conseils et de son réseau pour rapidement trouver des solutions. Par exemple, nous n’avions pas encore de structure de vente puisque nous étions encore au stade de la R&D sur notre prototype FULLY quand le covid est arrivé. Patrick nous a donc beaucoup aidées à mettre en place les aspects juridiques pour la mise en vente en ligne.
Le rôle de coach, c’est d’accompagner quand il y a des difficultés et de l’adversité. Patrick a su trouver les mots pour nous remonter le moral quand on flanchait. Des fois, quand nous avions reçu une mauvaise nouvelle, on avait presque l’impression qu’il croyait au projet plus que nous. Dès qu’on avait un petit coup de mou, on faisait un skype avec Patrick pour se remettre d’aplomb (ndlr: rires). D’avoir quelqu’un de positif à vos côtés qui vous soutient, c’est hyper-important. Je ne peux que conseiller aux entreprises qui en ont la possibilité de participer à ce programme. Pour nous, ça a été très bénéfique.”
L’apport de platinn
“Au départ, le masque FULLY était pensé comme un objet fashion, conçu en Suisse pour le marché chinois. Petit à petit, le projet est devenu assez technique. Mon coaching a surtout consisté à questionner la nature du produit et le marché visé. Les quatre co-fondatrices de Breez ont beaucoup travaillé sur les valves dépolluantes et pour élaborer une membrane étanche. Elles ont dû réfléchir si elles voulaient rester sur un produit plutôt design ou aller vers quelque chose de plus technologique. Nous avons beaucoup discuté en 2019 sur le modèle d’affaires. Ce travail reste à terminer. Avec la crise du coronavirus, il a fallu tout repenser et elles ont eu le mérite de rebondir vite.
Désormais, le défi, c’est de créer la société, de sortir de la phase start-up en déterminant le business modèle pour la suite. Une fois le couple marché-produit bien déterminé, il faudra l’exécuter. C’était très agréable de collaborer avec elles. D’une manière générale, pour qu’un coaching fonctionne, il faut que la confiance s’installe. Avec Carmen, Gaëlle, Margot et Hao, la relation de travail a été facilitée parce que nous nous connaissions déjà. Par contre, cela a pris un peu de temps pour qu’elles ne me considèrent plus comme un enseignant mais simplement d’égal à égal, comme un conseiller.”