Katia Gutknecht est experte en supply chain, coach organisation et coopération chez platinn. En collaboration avec Eric Plan, secrétaire général de CleantechAlps, elle mène le projet « Résilience » qui vise à évaluer le degré de préparation des entreprises face aux crises et à identifier comment platinn peut les accompagner dans ce contexte particulier.
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Les turbulences économiques n’ont cessé de se multiplier, des pandémies aux crises climatiques et énergétiques. Comment ces crises successives impactent-elles le monde des affaires?
Ces crises successives n’épargnent personne, aussi bien les entreprises que monsieur et madame Tout-le-monde, des matériaux de construction aux denrées alimentaires, en passant par l’électronique ou les métaux. Il n’est plus possible d’y échapper. Et ce n’est pas fini; l’incertitude demeure la seule certitude. Certains parlent même de “permacrisis”.
Pour les entreprises, cette réalité se traduit par des retards de livraison, une demande fluctuante, une inflation des coûts, des ruptures de stocks, une pénurie de personnel et une incertitude énergétique.
Jusqu’à présent, la réactivité était de mise. Les problèmes surgissaient et étaient traités au fur et à mesure, avec quelques périodes difficiles, puis un retour à la normale, jusqu’à la prochaine perturbation. Ce modèle fonctionnait lorsque les crises étaient espacées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Une entreprise sans stratégie d’anticipation risque sa survie, s’épuisant dans ce rythme effréné.
Pourtant, selon l’enquête que nous avons débuté avec platinn et CleantechAlps, 50 % des entreprises interrogées affirment ne pas avoir de plan d’action face aux risques.
N’oublions pas qu’un risque est un événement incertain qui, s’il se produit, peut avoir un effet négatif ou positif sur les objectifs d’un projet ou d’une entreprise. Il peut donc s’agir d’une menace, mais également d’une opportunité. C’est pourquoi les entreprises doivent travailler leur résilience.
« Si vous n’investissez pas dans la gestion des risques, peu importe votre secteur d’activité : c’est un secteur risqué ».
Gary Cohn
Vous parlez de résilience comme élément clé dans ce contexte VUCA (volatile, incertain, complexe, ambigu). En quoi consiste exactement cette résilience?
Historiquement, les entreprises visaient la compétitivité et la performance, c’est-à-dire la maximisation des profits et la recherche de l’efficience. Dans ce monde VUCA, la compétitivité doit s’accompagner de résilience.
La résilience est la capacité à traverser les crises, internes ou externes, avec agilité, adaptabilité et alignement. L’enjeu est d’atteindre le juste équilibre entre ces deux objectifs que sont compétitivité et résilience.
Il semble y avoir une confusion entre durabilité et résilience dans le monde des entreprises. Comment les définiriez-vous?
Le terme durabilité est souvent restreint à l’empreinte carbone et aux considérations environnementales, bien que l’Agenda 2030 lui confère une portée plus large.
Pour évaluer l’ensemble de la situation des entreprises, de leurs fournisseurs à leurs clients, notre enquête a opté pour le concept de résilience, un élément clé de toute stratégie d’anticipation.
La résilience s’inscrit à plusieurs niveaux : physique, psychologique, écologique et économique. Si l’on se réfère à Gartner, 2020 Strategic Road Map for Business Continuity Management, « les organisations résilientes sont celles qui rebondissent et prospèrent après une perturbation, grâce à une gestion des risques efficace et une capacité d’adaptation et de durabilité face à la situation ».
Vous accompagnez de nombreuses entreprises. Quelles sont les problématiques concrètes qu’elles rencontrent actuellement?
Outre la gestion des crises elles-mêmes, les entreprises doivent répondre à une série croissante d’exigences de la part de leurs partenaires. Des impératifs de diligence raisonnable imposés par les clients à la conformité réglementaire, comme la nLPD, les entreprises font également face à des enjeux financiers, de ressources humaines, de cybersécurité, d’approvisionnement en matières premières et de durabilité (émissions carbones, responsabilité sociétale).
Quels conseils donneriez-vous aux entreprises pour survivre dans ce contexte de crises récurrentes?
Elles doivent maîtriser l’ensemble de leur chaîne de valeur, c’est-à-dire connaître les contraintes de leurs clients et fournisseurs pour anticiper les impacts sur leur propre business.
Il est crucial de gérer les risques de manière proactive et pragmatique afin de pouvoir y réagir efficacement et avoir un coup d’avance sur les concurrents. Cela passe par :
- identifier les acteurs clés de leur chaîne de valeur ;
- travailler avec eux pour devenir plus résilients ensemble en identifiant les menaces et opportunités principales ;
- choisir ses batailles, c’est-à-dire évaluer les risques prioritaires et élaborer des solutions pour ces derniers ;
- suivre les signaux du marché pour faire évoluer les solutions mises en place ;
- et enfin, ne pas hésiter à recourir aux soutiens disponibles dans l’écosystème, notamment les prestations de coaching platinn.
Comment platinn peut soutenir ces entreprises? Qu’avez-vous mis en place pour améliorer leur résilience?
Nous avons lancé un projet de recherche et développement en deux phases. La première, actuellement en cours, a pour objectif d’évaluer le degré de préparation des entreprises à la gestion de crises systémiques. Pour ce faire, nous avons élaboré un outil de diagnostic sous forme de questionnaire qui permet aux PME d’identifier les risques principaux en lien avec leur chaîne de valeur. Cet outil permettra également de se positionner par rapport à leur secteur d’activité.
La deuxième phase consistera à définir des méthodes et outils pour aider les entreprises à gérer les risques identifiés dans la phase une.
Interview réalisée avec la participation d’Eric Plan, coach affaires et coopération et secrétaire général de CleantechAlps, et Sandra von Kaenel, coach organisation chez platinn, experte en durabilité et économie circulaire.
> Pour participer au questionnaire :