Edaphos: des champignons pour dépolluer les sols

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Cette start-up développe une biotechnologie à base de champignons pour dépolluer les sols. Si tout va bien, sa solution devrait être incontournable dans le domaine de la construction d’ici 2025. Explications.

Lancée en 2018, cette société franco-genevoise a le vent en poupe. Le produit qu’elle développe pourrait jouer un rôle majeur dans la dépollution des sols et des déchets minéraux. La technologie imaginée par Edaphos s’inspire des principes du biomimétisme. En partant du constat que les organismes fongiques sont de grands nettoyeurs dans la nature, la start-up est en train de concevoir des préparations à base de champignons capables de dégrader des polluants complexes.
“Dans le domaine de la microbiologie, les champignons sont encore assez méconnus, à l’inverse du fonctionnement des bactéries par exemple. Il y a un fort potentiel de découvertes intéressantes. Ce qui est nouveau, c’est de découvrir à quoi peuvent servir les champignons et de réussir à les faire fonctionner hors de leur milieu, à échelle industrielle ensuite, dans des sols de chantier où il n’y a quasiment pas de matières organiques”, explique Mathieu Pillet, co-fondateur d’Edaphos.
Ce jeune entrepreneur de 27 ans est arrivé petit à petit dans ce domaine. Après une formation de généraliste en environnement, il a créé son propre bureau d’étude sur les sols pollués. C’est par cette activité-là qu’il fait la connaissance de son associé actuel, Gil Burban, 44 ans, un scientifique passionné de champignons depuis très longtemps. “En 2017, quand j’ai fait la connaissance de Gil, nous nous sommes dit que nous allions lier nos compétences pour développer une solution de mycoremédiation. Il y a peu d’acteurs présents sur cette biotechnologie. Je connaissais le sujet et Gil travaillait dessus depuis un certain temps. Nous sommes très complémentaires, lui a un profil de chercheur et j’ai une formation d’entrepreneur”, raconte Mathieu Pillet.

La mycoremédiation késako?
Ce processus est une solution innovante, en particulier pour toutes les pollutions d’origine minérales telles que les dérivés d’hydrocarbures. Les champignons vont utiliser les polluants comme source de nourriture. S’ils ne sont en revanche pas capables de dégrader les métaux lourds, certains peuvent les capter et les accumuler dans leur fructification.
Les champignons employés par Edaphos sont issus des sols de Suisse romande. “Ce que nous allons amener sur le chantier, ce sont des champignons capables de vivre de manière indépendante dans des sols industriels. Cela se présente sous forme de poudre ou de petites billes à épandre ensuite sur le terrain pollué. Le champignon va ensuite se reproduire dans les sols et faire son travail”, détaille Mathieu Pillet.
La solution technique développée par Edaphos est un produit complexe fait de champignons naturels auxquels sont ajoutés des additifs issus de la chimie verte. Ces derniers sont intégralement biodégradables. Ils permettent de stimuler la croissance des champignons en libérant davantage d’enzymes et, par conséquent, de digérer plus de polluants présents dans le sol. Il faut compter entre 3 et 6 mois pour que les champignons assainissent les matériaux en fonction des objectifs.

Un champignon développé par Edaphos, photographié entre deux grains de sol.

Un projet qui pousse vite
A l’heure actuelle, Edaphos est toujours en phase de R&D. Le premier objectif consiste à établir un recensement des souches de champignons potentiellement intéressants pour développer la solution technique. “Cette «mycothèque» des différents organismes aux propriétés intéressantes est pratiquement achevée”, explique Mathieu Pillet.
Ensuite, il faut s’assurer que les champignons puissent pousser dans des milieux pollués, donc hostiles à la vie organique. Contrairement aux sols forestiers, les sols d’anciennes friches industrielles ou de chantiers ne contiennent quasiment pas d’humus, c’est-à-dire de matières organiques. Il faut donc réussir à faire pousser les champignons sélectionnés en dehors de leur milieu naturel. Et les résultats, d’après l’entrepreneur, semblent jusqu’ici répondre aux attentes.
L’autre défi, c’est de parvenir à produire de très grands volumes de champignons pour pouvoir traiter des milliers de tonnes de terres polluées. “C’est un volet que nous maîtrisons quasiment, mais nous travaillons encore dessus”, note Matthieu Pillet. Il précise: “Nous ne sommes pas encore tout à fait prêts à la commercialisation. Nous imaginons que d’ici 18 mois à peu près, nous aurons un produit à mettre sur le marché.”

Un champignon en train de se développer sur du sol.

Le rôle crucial des sols
Mathieu Pillet avoue avoir une fascination pour les sols: “Après les océans, ce sont eux qui stockent le plus de CO2, bien plus que toutes les forêts du monde. Ils vont aussi filtrer l’eau et la rendre potable. Ils sont le support de notre alimentation. Les sols sont vraiment à l’interface de tous les enjeux environnementaux et globalement, personne n’en prend assez conscience. Nous avons beaucoup à apprendre sur leur fonctionnement, y compris dans le monde académique, car c’est un domaine qui a été peu étudié encore. C’est devenu une sorte de combat presque personnel, celui de protéger les sols, de les valoriser et de les réparer.”
Le jeune entrepreneur sait qu’il faudra être patient. Mis à part la partie conseils qui est déjà rentable, le reste des activités d’Edaphos devrait l’être d’ici 2025 seulement. Le temps de sortir un premier produit sur le marché qui fasse définitivement ses preuves et d’être capable de relever le défi du déploiement de sa technologie à une large échelle. A terme, Mathieu Pillet ne cache pas son désir de s’internationaliser. Pour le moment, les premiers essais ont lieu en Suisse, mais Edaphos a déjà un pied en Belgique et en France, et des discussions ont lieu avec des acteurs Canadiens.
Aujourd’hui, les rares techniques de dépollution des sols coûtent cher et les sols pollués sont principalement stockés. Pour le moment, la solution consistant à déplacer la terre ailleurs – et avec elle le problème – à l’aide d’engins de chantier est bien souvent celle qui l’emporte. Si Edaphos veut s’imposer sur le marché, la société devra impérativement proposer un produit de mycoremédiation qui soit moins cher que la mise en décharge des sols pollués.

Pour en savoir plus… www.edaphos.ch

par Arnaud Gariépy

L’avis de l’entrepreneur
Mathieu Pillet explique pourquoi avoir eu recours au service de coaching platinn: “Pour une toute petite start-up, négocier avec de grands groupes est un exercice périlleux. Au départ, nous nous sommes adressés à platinn pour nous aider dans nos relations d’affaires. Puis, avec le développement du projet, nous avons eu des besoins financiers plus conséquents et c’est à ce moment que nous avons fait la connaissance d’Emmanuel de Watteville, coach auprès de platinn et expert dans le processus de levée de fonds. Il est également coach à la Fongit, l’incubateur genevois de start-up, qui nous a d’ailleurs accordé un soutien financier récemment.
Le coaching Finances a démarré en 2019 et la première levée de fonds a été réalisée en 2020. C’est vraiment grâce à platinn qu’Edaphos existe aujourd’hui. Sans ce soutien, nous nous serions sans doute fait croquer par des grands groupes ou alors nous n’aurions pas atteints nos premiers objectifs financiers.
Nous avons prospecté nous-mêmes les potentiels investisseurs, mais Emmanuel a été d’une grande aide lors des entrées en capital pour négocier des accords équilibrés et bénéfiques pour la société. C’est quelqu’un de très compétent et nous avons progressé énormément avec lui. Aujourd’hui, il est présent dans notre CA et nous espérons pouvoir poursuivre la relation avec lui.”

L’apport de platinn
Pour Emmanuel de Watteville, le coach Finances de platinn, la technologie d’Edaphos est prometteuse: “Le contact avec Edaphos a été très bon. Mathieu Pillet est jeune mais il apprend très vite, c’est assez impressionnant, et il est bien entouré. Son associé Gil Burban a déjà beaucoup de bouteille au niveau technique et leur projet répond à un besoin croissant lié aux questions de développement durable.
Ce qui m’a plu dès le départ, c’est qu’ils ont réalisé des essais grandeur nature à Plan-les-Ouates, dans un chantier qui a été traité avec leurs champignons avec des résultats tout à fait concluants. C’est rare de voir une start-up au début de sa vie capable de faire des expériences à une aussi large échelle.
Au départ, mon rôle a été d’aider Mathieu Pillet et Gil Burban à restructurer le capital de la société d’origine, Yphen, qui était basée en France. Cela consiste en un transfert d’actions pour que les actionnaires de départ se retrouvent dans la nouvelle société. Il fallait aussi qu’Edaphos détienne 100% d’Yphen et prendre en compte l’entrée dans le capital de la nouvelle société d’anciens ou de nouveaux actionnaires. Ce sont des choses qui arrivent assez souvent et dont je m’occupe régulièrement.
Ma seconde grande fonction a été d’épauler Gil et Mathieu dans leur travail de levée de fonds. Je ne suis pas un intermédiaire entre les start-up et les investisseurs. Mon métier consiste à aider à préparer le pitch deck de la société puis tous les documents de la levée de fonds. Nous avons réalisé des projections financières, discuté des termes qu’ils pourraient offrir aux investisseurs: quelle valorisation? quel type d’actions? est-ce qu’on lève sous forme de prêts convertibles ou sous forme de nouvelles actions émises? C’est ce genre de questions auxquelles il fallait pouvoir répondre. Et finalement, je les ai accompagnés dans les négociations auprès des investisseurs.”

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