Réduire la pollution maritime, c’est le but de cette start-up de l’EPFL. Son système devrait permettre de neutraliser les principaux gaz polluants en les transformant en engrais agricoles.
Le transport maritime, les bateaux de croisières et chaluts de pêche sont parmi les sources de pollution les plus grandes actuellement tant pour l’environnement que pour la santé humaine. Ces navires consomment un fuel lourd, non raffiné contrairement à l’essence des automobiles, qui, une fois brûlé, libère du soufre (SOx), de l’azote (NOx) et des particules fines. Un mélange mortel qui cause 60’000 décès prématurés par an, sans parler des dommages à l’environnement.
Comme environ 90% des marchandises mondiales transitent par les mers et que le commerce en ligne, à portée d’un clic, a le vent en poupe, on prend vite la mesure du problème en cours. Pour faire face à cela, l’Organisation maritime internationale (OMI) a émis de nouvelles réglementations entrées en vigueur au 1er janvier 2020. Désormais, les armateurs du monde entier devront faire tourner leurs navires avec un carburant contenant 0.5% de soufre contre 3.5% jusqu’à présent. Une mini-révolution qui annonce d’autres mesures importantes et qui auront un coût: les carburants plus propres coûtent plus cher.

Dans ce contexte, l’innovation développée par Daphne Technology arrive à point nommé. «Notre produit est une solution clé en main, prête à l’installation, pour l’industrie maritime qui élimine simultanément les oxydes d’azote et de soufre des gaz d’échappement des moteurs des navires», explique son directeur Mario Michan. Ce docteur en physique canado-colombien a travaillé auparavant comme ingénieur sur les cargos. Cette expérience lui permet de saisir parfaitement les enjeux actuels du secteur maritime.
Une innovation win-win
Daphne Technology fournit une solution technique qui devrait permettre aux sociétés maritimes de continuer à utiliser du fuel à bas coût, tout en se conformant aux nouveaux objectifs environnementaux. L’entreprise a mis au point un système pour purifier les gaz d’échappement.
Baptisée SulPure, cette filtration fonctionne grâce à une nanotechnologie qui permet d’éliminer jusqu’à 99.3% des oxydes de soufre et 85% des oxydes d’azote. Enfin, en bout de processus, les gaz d’échappement sont convertis en particules solides qui peuvent ensuite être récupérées pour être détruites ou éventuellement utilisées comme engrais.

Un système qui se veut vertueux et s’inscrit dans le paradigme de l’économie circulaire: transformer un déchet en matière première et fermer la boucle. Les sociétés maritimes pourront donc employer n’importe quel type de fuel et respecter les nouvelles directives environnementales, tout en produisant un déchet revalorisable.
De nombreux soutiens publics et privés
Daphne Technology est issue à l’origine du Swiss Plasma Center de l’EPFL. Aujourd’hui, la jeune compagnie fondée en 2018 emploie douze personnes: neuf à Lausanne, dédiées à la recherche et au développement et trois en Suède, pour mener les tests grandeur nature sur un prototype industriel. Si la start-up peut désormais voler de ses propres ailes, c’est grâce aux nombreux soutiens à l’innovation perçus depuis le départ de la recherche: EPFL (Innogrant) 2015, FIT (Vaud) 2018, Venture kick 2018, Gebert Rüf Stiftung, BRIDGE et le ClimateKIC.
A cela s’est ajouté, début 2019, une levée de fonds de 4,9 millions de francs. Parmi les investisseurs figurent les entreprises pétrolières Saudi Aramco Energy Ventures, Total et Solvay, et BASF SE, le plus grand producteur mondial de produits chimiques.
Enfin, tout récemment, Daphne Technology a reçu 2,5 millions d’euros de subventions européennes dans le cadre d’Horizon 2020, l’outil financier de l’UE pour l’innovation. Ce programme est le plus grand jamais mis en place par l’Europe. Il représente 80 milliards destinés à l’économie privée pour inciter les découvertes et les avancées technologiques entre 2014 et 2020.
Grâce à ce dernier coup de pouce, Daphne Technology va pouvoir achever le développement et les tests de son système d’ici la fin de l’année. La prochaine étape sera la commercialisation. Plusieurs clients ont déjà fait part de leur intérêt pour le SulPure et se disent prêts à installer une machine pilote sur leur navire. «Notre système prend peu de place et nécessite un investissement relativement bas comparé aux autres techniques possibles pour réduire ces émissions de gaz dans l’atmosphère. Nous espérons donc rapidement pouvoir convaincre des acteurs importants de la branche, pour avoir un impact positif sur l’environnement», conclut Mario Michan.
Pour en savoir plus… www.daphnetechnology.com
par Arnaud Gariépy
L’avis de l’entrepreneur

L’apport de platinn

 
								 
															 
															

