Le Festival International de Films de Fribourg passe le cap de sa crise de croissance avec brio

LinkedIn

Un succès grandissant depuis plus de 30 ans mais deux exercices déficitaires en 2016 et 2017: le FIFF a revu complètement son organisation en quelques mois. Désormais professionnalisé dans sa gestion financière, le festival renoue avec les chiffres noirs en 2018.

 

Une mission ”économico-compatible”?
«Sélectionner et mettre en compétition des films de qualité du monde entier qui ne sont pas distribués par les canaux habituels», c’est la mission que le FIFF* poursuit depuis plus de 30 ans. Et le succès est bien là: plus de 100 films, 200 projections et 40’000 spectateurs depuis plusieurs années, 80% des réalisateurs programmés dont la carrière a été ”boostée” par le FIFF, une direction artistique invitée à Cannes ou à Berlin, la réputation internationale du FIFF n’est plus à faire. Pourtant, le festival vient de vivre une crise importante: 47’000 francs de déficit en 2017 et une co-direction (artistique et administrative) qui ne fonctionnait plus de manière satisfaisante. Le rôle du comité devait aussi être revu et se rapprocher de la gestion opérationnelle. Avec un résultat positif en 2018, on peut dire que les changements mis en place en quelques mois portent déjà leurs fruits et conclure que la mission artistique résolument courageuse du FIFF est définitivement ”économico-compatible”.

FIFF salleOuverture officielle du FIFF en 2018

 

Un véritable changement de culture
Il a fallu de la ténacité pour faire converger les tenants d’un monde associatif récalcitrant à tout langage managérial et les collaborateurs déjà convaincus par la nécessité d’adopter une vraie stratégie d’entreprise et des outils de pilotage professionnels pour la mettre en œuvre. Face aux déficits de 2016 et 2017, le comité a demandé un audit au coach platinn Eric Schmidt. «L’association du FIFF réussit chaque année le challenge extraordinaire que représente le festival», constate le coach. «L’engagement de l’équipe et l’énergie déployée sont fabuleux. Cet engagement sans compter, il faut le reconnaître au monde associatif, mais plutôt que de travailler essentiellement à l’énergie et risquer l’épuisement, il faut s’appuyer sur l’expérience et viser l’efficience. Le festival revient chaque année, il s’agit donc de le gérer comme un projet en définissant des processus-clé que chacun applique.» Autre changement majeur: si elle était autrefois essentiellement du ressort du secrétariat directeur, la pérennité de l’association est désormais le souci de tous les départements.

Un pilotage à cinq
D’une direction bicéphale, le FIFF est passé à un ”management team” qui assume la double responsabilité de gérer et le festival et l’association. Sous la responsabilité de l’administratrice-déléguée, aussi membre du comité, les membres du ”management team” sont le directeur artistique et les responsables des trois départements (marketing/communication, médiation culturelle et finances/RH/IT). Dorénavant, chaque membre du “management team” présente ses projets et ses besoins au comité, ce qui amène ce dernier à suivre l’opérationnel de manière, là aussi, beaucoup plus engagée.
Aujourd’hui au FIFF, on ose penser produit et bénéfice
Après l’édition 2017, il a fallu tout d’abord assainir les finances: une comptabilité analytique a été introduite, tous les coûts ont été revus, les contrats renégociés avec les fournisseurs et ce sera le cas régulièrement. Une première dans l’histoire du FIFF, le festival 2018 a été pensé comme un produit, avec la préoccupation pour chacun de dégager des marges dans ses processus. Devant faire avec 20 films et une salle de projection en moins, le directeur artistique Thierry Jobin a su attirer plus de 44’000 spectateurs avec sa programmation, un record. «L’offre moins pléthorique a par ailleurs permis davantage de séances à guichets fermés, l’ambiance était du coup plus intense et le public s’est davantage attardé, donc a davantage consommé…», se réjouit Madeleine Descloux, administratrice-déléguée. «Avec des événements majeurs comme la présence des frères Dardenne, de Ken Loach et de Géraldine Chaplin, nous poursuivons des objectifs financiers acceptables pour la culture du FIFF. Il ne s’agit pas de viser de gros bénéfices, mais de viser l’équilibre financier et d’atteindre par exemple 30% de plus de retombées média sur trois ans. L’équipe sait maintenant que nous pouvons augmenter nos revenus propres. Il en va de même pour le sponsoring privé pour lequel chacun s’active aujourd’hui. La pérennité financière du FIFF en dépend, nous anticipons ainsi la diminution des subventions publiques qui tôt ou tard arrivera.»

L’apport de platinn
«Le rôle essentiel que joue le FIFF, sur la scène locale et internationale depuis tant d’années, méritait d’être mis en œuvre par un vrai management entrepreneurial. L’enjeu valait toutes les tensions que nous avons traversées durant cette réorganisation menée en un temps record!», relève Eric Schmidt. «Un gros travail reste à effectuer en matière de gestion de l’information, d’harmonisation informatique, ainsi que de la formalisation des processus et des savoirs. Au FIFF, tout est encore trop dans la tête des gens qui sont engagés dans cette prodigieuse aventure depuis 20 à 30 ans! Une fois les bonnes pratiques rigoureusement appliquées, j’estime le gain de temps à 30%.»

L’avis de l’entrepreneur
Administratrice-déléguée, Madeleine Descloux revient sur le chemin parcouru: «L’ancienne direction bicéphale était plus hiérarchique qu’il n’y parait: tout le monde, y compris les collaborateurs engagés en CDD, donnait son avis sur tout, même sur le budget! Il en résultait une grande confusion au niveau des responsabilités à tous les échelons, un manque d’efficacité et forcément des frictions. Avec Eric Schmidt et le soutien du comité, nous avons remplacé cette ”pseudo-participation” par notre ”management team” qui garde une vue globale des projets et peut soutenir chacun dans ses responsabilités propres. M. Schmidt nous a déjà fourni plusieurs outils de pilotage pour y parvenir. On nous a traités de dictateurs, certains ont claqué la porte, mais nous avons tenu bon. Avec son soutien méthodologique, nous réalisons aussi un projet identifié comme stratégique depuis longtemps: faire du FIFF un acteur à l’année. Il s’agit de valoriser les compétences acquises autour du festival: celles de la médiation culturelle, par exemple, où le FIFF se rend dans les EMS du canton de Fribourg et dans les classes (la barre des 11’000 élèves a largement été franchie en 2018), ou de l’événementiel avec l’organisation croissante d’apéritifs-cinéma pour les entreprises et les sponsors actuels et potentiels. Dans cette même idée, le FIFF collabore avec d’autres institutions culturelles locales (exemple: le ciné-club pour enfants ”Ciné Kids” avec Le Nouveau Monde). Nous tenons à valoriser ce dynamisme local en apportant notre expertise à l’international. Ainsi, nous faisons aussi rayonner le nom de Fribourg partout.»

Pour en savoir plus…
www.fiff.ch

Par Nathalie Bloesch

* Le FIFF est une association culturelle qui a pour but d’organiser chaque année un festival de cinéma à Fribourg. La Confédération, le Canton de Fribourg, l’Agglomération et la Ville de Fribourg, ainsi que la Loterie romande prennent en charge plus de la moitié de ses dépenses.

Découvrir davantage d'articles